SKADE - l'amour est un genre de suicide

En un minimum de 500 mots, expliquez-nous votre cheminement jusqu'ici. Votre famille était-elle orientée vers la magie ou était-ce une totale découverte pour vous ? Comment se passait votre vie avant d'arriver au campus ? Et si vous êtes ici depuis quelques années déjà, comment se sont passées vos années précédentes ?
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             Je vais commencer par mes plus lointains souvenirs, ma famille était composée de sept personnes: mon père, éleveur de loups et propriétaire d'un merveilleux endroit où faire du " chien de traîneau " est magique. Ma mère, était une femme grande avec un corps élancée, d'une magnifique chevelure blonde accompagnée de magnifiques yeux bleus - j'ai tout pris d'elle - et modèle photo. Et cinq enfants. Quatre grands frères et une fille : moi, la petite dernière. Vous ne pouvez pas savoir à quel point c'est chiant de n'être que deux filles au sein d'un foyer, encore pire d'être une fille avec que des grands frères ; je ne pouvais pas jouer avec des « jouets de fille » car automatiquement ils étaient cassés. Du coup, très tôt j'ai été habituée à jouer à des sports dits masculins ; football, rugby « entre frères » et quelquefois j'arrivais à m'enfuir dans un univers un peu plus « girly » : la penderie de ma mère. Ses talons, son maquillage que j'étalais sans retenue sur mon visage ou les murs. C'était une femme magnifique.
    Malheureusement, chaque bonne chose ayant une fin, je ne le savais pas à cette époque, mais mon père battait ma mère, elle a mis fin à sa vie un jour qui a arrêté la mienne en parallèle. Je n'avais que six ans et pourtant, ça me brise toujours autant le cœur de n'avoir rien vu, rien compris.


         Mon père n'a jamais pu se remarier, je ne sais pas s'il regrettait ses gestes mais j'étais sûre que non. Chaque femme qu'il a ramené pendant des années ne sont jamais restées bien longtemps lorsqu'elle voyait son véritable visage, mais aucune n'a essayé de savoir si nous allions bien, mes frères et moi. Depuis petite ( à mes 10 ans ), j'ai alors toujours été habitué à la dureté de la vie. Nous n'étions pas de ceux à pouvoir s'acheter ce que nous voulions ; ça nous valait des moqueries, car nous étions « pauvres ». Depuis que ma mère n'était plus là, il fallait se priver de manger au moins deux jours par mois et sept jours dispersés dans le mois si l'un d'entre nous avait le malheur de tomber malade. Mes frères prenaient la route de mon père, à prendre les femmes pour acquises, pour des moins que rien. Je vous laisse deviner à qui ils s'en prenaient le plus facilement ? Moi.


         Le peu de fois où je pouvais m'évader de cette famille c'était auprès de l'élevage de loups que mon père avait, nous étions les seuls à proposer une balade avec de vrais loups. Ça marchait plutôt bien, l'hiver. Aussi jeune que j'étais, je savais exactement ce qu'il fallait faire pour les diriger et ça m'est arrivée de m'enfuir avec eux, le temps d'une journée, le temps d'une nuit. Je pense avoir déjà vu Fenrir un de ses soirs-là, son apparition avait fait peur aux miens. Et à moi-même. Je n'avais plus recommencé pour éviter de retrouver ses grands yeux rouges.


         J'ai grandi et j'ai commencé à gueuler, de plus en plus fort pour me faire entendre de cette famille qui ne m'écoutait plus, qui ne savait même plus que j'existais en tant qu'humaine. J'ai tellement dû me taire plus petite que tout commençait à sortir au début de l'adolescence. Ça commençait par des mauvaises notes, par des petites bagarres, par des insultes qui fusaient entre ma famille et moi. Des notes je suis passée à ma perte de discipline, j'étais très loin d'être exemplaire, ça m'a valu l'exclusion de deux collèges. Et une année d'étude perdue. En plus de ça, je sortais en cachette, pratiquement tous les soirs. A mes 14 ans, je me suis liée d'amitié avec des personnes de 18 ans qui n'étaient pas toute rose dans leur vie non plus, ni même dans leurs fréquentations. Pourtant, ils ne pouvaient rien faire qui pouvait m'impressionner. J'ai eu mon premier béguin pour l'un d'eux, il n'a pas voulu de moi, « trop jeune » disait-il. J'ai trouvé le moyen pour qu'il se fasse battre par mes frères, avec un tout petit mensonge. Heureusement pour moi, ils avaient beau me traiter comme une moins que rien, il n'y avait qu' « eux » qui pouvaient le faire, d'après leur dire.


         Jusqu'à cette nuit, celle à mes 16 ans, ce loup, cette belle bête, j'ai compris que c'était bien lui que j'ai aperçu lors de ma balade, comme s'il veillait toujours sur moi, de loin. Maintenant, je sais qui il est, je sais que Fenrir était là depuis le début. Lorsque je me suis fait tatouée entre les sourcils et le trait sur la bouche jusqu'au menton, mes amis n'ont pas compris mon geste. Pourtant, moi je les avais vus ses traits sur Fenrir, en tout cas sur l'apparence qu'il m'avait envoyée. Ils ne comprennent rien ses incroyants. Ils ne pourraient pas comprendre ce qui peut nous unir, nos dieux et nous. Personne ne peut comprendre à quel point je tiens à Fenrir.


         Et cette école, en Islande, celle de mon rêve, m'a paru comme une évidence. Je voulais échapper de ma famille, je voulais échapper de ce monde sans personne qui peuvent croire en Fenrir. Mon père ne m'a pas empêché d'y aller, il m'y a même encouragé. Deux années plus tard, à mes 18 ans, j'ai reçu une lettre de chez moi, je pensais que c'était mon père. J'ai lu et relu cette lettre, c'était une de ma mère, une lettre qu'elle avait demandée à mon père de m'envoyer lorsque je serais « assez âgée ». Elle m'expliquait tout le calvaire qu'elle a vécu, tout ce que je ne voyais pas dans les coulisses de leur mariage. Elle a fini par me dire que l'amour est un genre de suicide. Je n'oublierais jamais cette phrase. Elle me hante.


          Dans cette école, je n'ai jamais eu trop de problèmes à part quelques histoires à cause de ma franchise. Je n'ai jamais eu trop de mauvaises notes, les cours sont tellement plus passionnants que ceux dans le reste du monde. Je vous la recommande.